Le fait colonial a été largement abordé d’un point de vue historique, sociologique, anthropologique et linguistique. Néanmoins, ses effets sur le plan psychique sont très souvent mis sous silence. Karima Lazali, psychanalyste, traite ici des conséquences psychiques du trauma colonial et leurs destins dans les subjectivités et la structure du politique. Quels ont été les impacts précis de la destruction coloniale ? Et comment les repérer alors même que la colonialité est une machine à produire des effacements mémoriels ?
Il se révèle au fur et à mesure de cette réflexion combien le fratricide, entre autres produit de la colonialité, est en permanence au cœur du pouvoir politique et ce, dès l’émergence des mouvements nationaux. Les fils frappés d’illégitimité mènent entre frères une guerre terrible, comme l’a illustré l’histoire interne au mouvement nationaliste lors de la guerre d’indépendance. Mais aussi ce qu’elle qualifie de « guerre intérieure » dans les années 1990 où la confusion et le brouillage ont servi à maintenir une double terreur : celle des islamistes et celle de l’Etat. La question est désormais comment inventer une nouvelle modalité d’héritage au trauma colonial ? Et Comment sortir de cette mélancolisation actuelle du lien social occasionnée par la réitération permanente du trauma colonial ?
L’auteure s’appuie sur la littérature algérienne essentiellement de langue française pour repérer, analyser et décrypter ces blancs de la mémoire. Cette littérature constituant un véritable travail de la culture est née d’un refus de toute forme d’asservissement. A ce titre, et jusqu’à ce jour, le politique lui est indissociable, tout en étant un remède aux désastres de l’Histoire.