Les Imazighen, improprement surnommés les Berbères, n'ont pas subi, de tout temps, les invasions et les conquêtes. L'histoire a également retenu les noms de ces premiers habitants de l'Afrique du Nord pour leur statut de grands conquérants.
Pendant très longtemps, ils ont été dirigés par des chefs, appelés igelliden, qui n'avaient pas le même statut ni les mêmes prérogatives que les rois. Nombre d'entre eux ont marqué l'histoire de leur puissance et de leur droiture. De Ded et Osorkon l'ancien à Koceila (Aksil) et La Kahina (Dihya), en passant par Meghyey, Sheshanq, Yerbas, Massinissa, Syphax, Yebdas... ils avaient le souci des origines et l'aversion du dominateur étranger.
Aux côtés de ces chefs, des femmes assumèrent de grandes responsabilités, comme Syria, de la famille des Nubel, sous les Romains, ou encore Tagellidt Dihya à l'invasion arabe.
Dès le VIIe siècle, les Imazighen, de schismes en révoltes contre l'introduction insistante du khalifat, organisèrent leurs forces autour de royaumes indépendants, certes, mais enveloppés par une identité doctrinale mystificatrice et davantage corrosive. Des querelles intestines conduiront alors à leur démembrement, facilitant ainsi, dès le XIe siècle, l'entrée des Béni-Hilal, des Béni-Souleïm et des Béni-Maâkil. Louvoyant entre les souverains autochtones rivaux, ces arrivants négocièrent leur soutien et obtinrent, en compensation, de riches terres des plaines. La stratégie de préservation des terres, comme l'avait conçue Bolloguin un siècle auparavant, fera place à un bradage en règle, oeuvre de sultans laxistes.
Au XVIe siècle, à l'arrivée des Portugais, des Espagnols et surtout des Turcs, les différentes réactions des souverains amazigh induiront des conséquences politico-religieuses qui faciliteront le passage de la suzeraineté et du pouvoir politique entre des mains accommodatrices de protectorats étrangers, comme au Maroc et en Libye. En Tunisie, le mouvement national qui avait soustrait le pays à la monarchie et au protectorat français, ne s'était pas pour autant penché sur la problématique amazigh. Dans ces trois pays, la question identitaire ne fut jamais posée, car occultée par la sacralité de l'arabo-islamisme.
En Algérie, si des kabyles du mouvement national avaient transcendé cette sacralité et avancé, dès 1949, la légitimité des racines amazigh, la guerre de libération se résolut à l'unique objectif de l'indépendance. Celle-ci acquise en 1962, le sort du pays s'en trouva scellé par un système et des pouvoirs successifs qui le livrèrent à la même idéologie arabo-islamiste.
Seulement, à la différence du Maroc, de la Tunisie et de la Libye, l'Algérie renferme en la Kabylie une région qui a toujours tenu un rôle central dans la préservation et la défense de l'identité ancestrale. L'arabo-islamisme est indéniablement en butte à un phénomène nouveau d'émancipation, à moins que les puissances qui veulent promouvoir le nouvel ordre mondial...
Younes Adli - Des igelliden aux sultans
ISBN:
9789947045947
Nombre de pages :
230
Edition:
Compte d'Auteur
Date de parution:
2016